INPH, SPEP, GHT

La Territorialisation et l’Organisation
de la Psychiatrie en 10 points

1 – Mais pourquoi une nouvelle territorialisation pour la psychiatrie publique ?

En effet rappelons que :
- La « territorialisation » en psychiatrie existe déjà depuis que le secteur de psychiatrie publique a été initié par la circulaire du 15 mars 1960.
Le secteur de psychiatrie publique est défini par la circulaire du 16 mars 1972 complétée par les évolutions règlementaires qui se sont succédées jusqu’à aujourd’hui.

Rappelons aussi que le territoire national est à ce jour totalement couvert.
- Il est découpé en aires géographiques juxtaposées appelées « secteurs ».
- Le secteur se définit par la mise à disposition d'un service public de protection en santé mentale à une communauté géo-démographique donnée.

2 – les modalités de l’organisation de cette sectorisation pour la psychiatrie publique :

Le principe fondamental du secteur est le refus de la ségrégation du malade mental.
Cela implique de la part de l'équipe soignante pluriprofessionnelle une volonté d'intégration, de maintien ou de réintégration du patient dans son milieu familial et social.

Ce même décret institue l’existence de trois types de secteurs :

- Les secteurs de psychiatrie générale répondant aux besoins de la population âgée de plus de 16 ans,
- Les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile pour les enfants et adolescents correspondant à une aire géographique desservie par un ou plusieurs secteurs de psychiatrie générale,
- Les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire répondant aux besoins de santé mentale d'une population incarcérée dans les établissements relevant d'une région pénitentiaire. Ces secteurs sont rattachés à un établissement hospitalier public et comportent, en particulier, un Service Médico-Psychologique Régional (SMPR) aménagé dans un établissement pénitentiaire qui peut assurer en outre une mission de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

Pour ce qui concerne les patients mineurs entre 16 et 18 ans, les textes permettent une certaine souplesse s’agissant de l’accueil dans le secteur de psychiatrie générale ou dans le secteur de psychiatrie infanto-juvénile.
Le choix devra être déterminé dans l’intérêt du patient, après discussion entre le secteur infanto-juvénile et le secteur adulte concernés.
L’équipe de santé mentale de référence est désignée en fonction du domicile des parents ou de la personne titulaire de l’autorité parentale.

3 – le sens de la sectorisation pour la psychiatrie publique : la continuité des soins

Le parcours de soins et de vie des patients est conçu dans la continuité de leur prise en charge entre lieux d’hébergement, lieux de prise en charge ambulatoire et domicile ; il est garanti par la même équipe pluriprofessionnelle dite équipe de secteur psychiatrique.

L’organisation du secteur de psychiatrie a donc déjà été pensée dans une perspective de réseau qui favorise les liens avec les équipes des différents services et les institutions médicosociales et sociales qui interviennent auprès des patients dans le domaine de la santé mentale. Elle permet ainsi des actions coordonnées en termes de prévention, d’éducation sanitaire et d’organisation des soins des patients.

Quatre principes de base s’appliquent en matière de sectorisation psychiatrique :

- La sectorisation en psychiatrie garantit, au sein d’une aire géographique donnée, l’accès et la continuité des soins au plus près du lieu de vie du patient.
- La désignation du secteur psychiatrique est déterminée par l’adresse du domicile du patient.
- En l’absence de domicile stable, la sectorisation psychiatrique ne doit pas être un frein à l’accès et à la continuité des soins. Dans ce cas, le secteur psychiatrique de référence sera désigné en fonction de la « résidence habituelle » du patient.
- Toute personne « faisant l’objet de soins psychiatriques » ou sa famille disposent du droit de s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix.

4 – le sens de la sectorisation pour la psychiatrie publique : la volonté ambulatoire

Le secteur de psychiatrie publique est dès l’origine marquée par une volonté forte de prise en charge ambulatoire.

Grâce à son inscription volontaire dans une logique territoriale : Les Conseils Locaux en Santé Mentale, les partenariats avec le médicosocial, la participation aux services des urgences des hôpitaux généraux, les services de Psychiatrie sectorisés au sein des hôpitaux généraux, les partenariats avec l’Education Nationale, la PMI, l’ASE...

5 – mais aussi l’obligation d’une « territorialisation départementale » :

La psychiatrie publique doit assumer les soins sans consentement et ce depuis la loi de 1838 et ses évolutions et réformes successives : loi 1990, loi de 2011 modifiée par celle de 2013 avec l’obligation constante de couvrir les soins sans consentement sur décision du Représentant de l’Etat de chaque département.

6 – Pourquoi une nouvelle territorialisation pour la psychiatrie publique ?

La Loi de Modernisation du Système de Santé définit dans l’article 69 une politique de Santé Mentale qui s’appuie sur un projet territorial de santé mentale dont l’objectif est l’amélioration continue de l’accès des personnes concernées à des parcours de santé et de vie de qualité, sécurisés et sans rupture à l’instar de ce qui est instauré pour l’ensemble des disciplines médicales.
Elle réintroduit la mission de secteur de psychiatrie qui avait disparu dans la loi HPST et reconnait la pertinence du modèle d’organisation territoriale que constitue le secteur de psychiatrie publique ainsi que sa spécificité.

7 – Qu’apporte la Loi de modernisation du Système de Santé (LMSS) à l’Organisation Territoriale de la Psychiatrie Publique ?

Ce projet territorial est défini sur la base d’un diagnostic territorial partagé en santé mentale établi par les acteurs de santé du territoire. Il associe les représentants des usagers, les professionnels de santé, les établissements et les services sociaux et médico-sociaux, les organismes locaux d’assurance maladie et les services et les établissements de l’état concernés, les collectivités territoriales ainsi que les conseils locaux de santé et les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM). Elle donne ainsi une existence légale aux CLSM existants et à venir.

Le projet territorial permet également " la coordination territoriale de second niveau, qui est déclinée dans l’organisation des parcours de proximité, de façon à assurer à chaque patient, notamment aux patients pris en charge dans le cadre de la mission de psychiatrie de secteur, l’accès à l’ensemble de dispositifs et de services ".
Un autre enjeu majeur de cette nouvelle loi de santé est la création des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), article 107 de la Loi.

8 – La création des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) : des GHT spécifiques à la Psychiatrie au compte-gouttes malgré l’opposition des acteurs du terrain !

L’ensemble de ces éléments démontre tout la cohérence de l’organisation Territoriale de la Psychiatrie Publique. Toutefois, le législateur a préféré inclure la Psychiatrie dans un redécoupage des territoires de santé principalement orienté par l’implantation des Hôpitaux ayant une activité MCO. Le Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP), partie prenante de L’INPH, s’est fermement opposé à cette orientation qui fait fi d’un maillage de territoire tissé depuis longtemps et risque de reléguer la psychiatrie au rang d’une activité accessoire, sans spécificité, au sein des grandes entités ou groupements polyvalents à gestion centralisée et loin du terrain avec le risque de déconstruire les partenariats installés par la politique de sectorisation.

Le SPEP a défendu des GHT spécifiques à la psychiatrie si le diagnostic territorial de Santé Mentale le justifie et des dérogations aux GHT généralistes.
Mais nous n’avons pas obtenu la généralisation de ces principes, de sorte que par la lecture simpliste de l’article 107 de la Loi de Santé, il risque d’y avoir à peine 10 ou 15 GHT de Psychiatrie sur tout le Territoire National...

9 – Des Communautés Psychiatriques de Territoire (CPT) : une alternative ?

Faute de GHT spécifiques à la Psychiatrie , le SPEP, soutenu par l’INPH, a présenté des propositions visant à la généralisation de Communautés Psychiatriques de Territoire (CPT ) et à garantir leur mise en œuvre et leurs modalités de fonctionnement.

Dans le Décret d’application de l’article 107 sur les GHT, la seule référence aux CPT précise que « la mise en œuvre du projet médical partagé » s’appuie, le cas échéant, sur la Communauté Psychiatrique de Territoire afin d’associer les Etablissements Publics de Santé autorisés en Psychiatrie qui ne sont pas parties du groupement.
Cela reste très insuffisant !

10 – Nos exigences : des Communautés Psychiatriques de Territoire (CPT) :

Elles sont proposées dans le cadre de la discussion du décret d’application des GHT. Le texte doit selon nos propositions :

- Inciter et garantir l'implication au sein de la CPT de tous les Etablissement Publics de Santé ayant une autorisation de Psychiatrie de Secteur, qu’ils soient ou pas parties du groupement.
- Prévoir d'y associer les acteurs médico-sociaux sous une forme à définir.
- Affirmer la nécessité d'un projet médical partagé en santé mentale et garantir son inscription dans le Projet Médical du GHT.
- Etablir les relations fonctionnelles avec le GHT et le mode de représentation de la filière Santé Mentale (CPT) au sein des instances de gouvernance du GHT et de la Commission Médicale du Groupement dès sa convention constitutive.

 
Par le Syndicat des Psychiatres d’Exercice Publique (SPEP)

Docteur Rachel BOCHER
Présidente de l'INPH
Docteur Michel TRIANTAFYLLOU
Président du SPEP
VP INPH